Les rochers
« Les superbes rochers de quartz blanc de Pyraume s’entassent au sommet d’un coteau assez élevé, dominant le bourg de Moulins (Deux-Sèvres.) Le massif principal se trouve cependant sur le territoire de la Chapelle-Largeau, près d’un moulin à vent, au milieu d’une lande argileuse couverte de bruyères, de genêts, d’ajoncs et de buissons de houx.
Du haut des rochers, la vue s’étend sur les bois et le château de la Blandinière, sur Châtillon-sur-Sèvre et les localités avoisinantes.
Les cailloux de Pyraume, d’une structure cristalline et d’un blanc laiteux, sont très estimés pour l’empierrement des routes. Aussi, sont-ils l’objet des convoitises du service vicinal.
Nous espérons que cette profanation sera arrêtée ou, empêchée par la Commission instituée récemment en vue de la préservation des sites et monuments naturels.
Dans les légendes populaires, les rochers ou « chirons » de Pyraume servent de refuge à toute la gent diabolique de la contrée loups-garous, lutins, farfadets ».
C’est ainsi qu’en 1907, M. Narcisse Gabillaud, instituteur à Moulins, et aussi historien, décrit ce site naturel et mythologique.(Mémoires-Société historique et scientifique des Deux-Sèvres – Gallica)
Ces rochers sont selon la légende, tombés de la dorne(1) de la fée Mélusine qui allait bâtir le château de Pouzauges. Pour les géologues les rochers de Pyrôme appartiennent à la ZBSA(2) C’est un énorme filon de quartz de couleur rose clair, avec des blocs calcédonieux et parfois des géodes teintées d’oxyde de fer. La puissance de ce filon est de plusieurs dizaines de mètres.
Les carrières
La carrière de Pyrôme était déjà exploitée par les romains pour la construction des soubassements de leurs temples. En 1704, « l’exploit du Chiron Pyrôme » est considéré comme une source de revenus. Les redevances seigneuriales doivent être acquittées sur la dorne(1) du puits de la Grande Pommeraie. Ouvrage Au début du XIXeme siècle, pour les municipalités, l’entretien des chemins vicinaux, qui sont de vrais bourbiers est le travail le plus urgent. Cette tâche est exécutée par les habitants de la commune qui de cette façon paient leur impôt en nature.
Chacun doit fournir une journée de travail tant pour lui que « pour chacun de ses fils vivant avec lui, de ses domestiques mâles, de chaque bête de trait ou d’acotage et de chaque charrette en sa possession. » Les hommes sont employés soit à la carrière de Pyrôme pour l’extraction de blocs de rochers pour faire des cailloux, soit au transport pour ceux qui possèdent une charrette et des animaux de trait.
Selon M. Augustin Hérault, les charrettes montaient jusqu’à Puyrôme par le chemin creux qui descend sur la Tonnelle. Pour le retour, on attelait deux bœufs derrière la charrette, deux bœufs que le conducteur maintenait avec son aiguillon devant le nez pour que ceux qui étaient attelés ne soient pas emportés contre leur gré par la forte pente emballant la charrette démunie du frein qu’on appelait mécanique et que, dans cette descente, il aurait fallu serrer au maximum avec cette lourde charge.
Le quartz de Pyrôme très estimé par les services de la voirie, pour l’empierrement des routes et des chemins de toute la région, permit d’assainir les chemins de grandes communications à une époque où on ne se déplaçait qu’à pied ou en charrette. Plus tard ce mode de revêtement fit de nombreux mécontent.
Qui ne se souvient pas d’avoir entendu nos anciens pester contre ces petits cailloux blancs qui perçaient les pneus des bicyclettes et voitures ! ! !
(1)Tablier
(2)La faille de
Mauléon, connue par de nombreux géologues, (aussi appelée « faille de Vasles »
) fait partie de ZBSA (Zone broyée sub-Armoricaine). -Axe Mauléon-Lanvaux- La
ZBSA est caractérisée par de grands cisaillements dextres datant des phases
bretonnes et varisques, soit 350 millions d’années, et s’étend de la Bretagne
au Massif Central. M. Christian Lavaud (Cf. Les carnets du BRHAM n° 10)
Le site naturel de Pyrôme
Au début du XXe siècle, l’exploitation de la carrière devient de plus en plus intensives, et les rochers de quartz sont menacés de disparition. Mr. Narcisse Gabillaud, instituteur de Moulins, demande la création d’une commission et le classement du site afin d’empêcher sa destruction.
Le 8 juin 1909, par arrêté ministériel, les rochers de Pyrome, soit 2325m², sont classés parmi les « Sites et monuments Naturels des Deux-Sèvres ».
Le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts.
Vu la loi du 21 avril 1906 organisant la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique;
Vu l’avis émis par la Commission départementale des sites et monuments naturels dans sa séance du 10 mai 1907
Vu l’engagement en date du 7 août 1907 prie par M. Charles Emmanuel Cesbron-Lavaud, propriétaire ; Sur la proposition du Sous-Secrétaire d’Etat des Beaux-Arts,
ARRETÉ
Article 1
Les Rochers de Pyrôme, dans la commune de La Chapelle-Largeau (Deux-Sèvres) sont classés parmi sites et monuments naturels de caractère artistique
Article 2
Le présent arrêté sera notifié au Préfet du département des Deux-Sèvres et à M. Cesbron-Lavaud, propriétaire, qui seront responsables, chacun en ce qui le concerne, de son exécution.
PARIS, le 8 juin 1909
Gaston DOUMERGUE