Légendes, contes, …
Légende contée par l’abbé PELLETIER, curé de Moulins, à Robert TAILLET pour les « Bulletins de la Société des antiquaires de l’Ouest » – 1936
Lors d’une excursion dans la Suisse Vendéenne, nous avons recueilli une légende qui nous fut contée par M. l’Abbé Pelletier, curé de Moulins (Deux-Sèvres), légende se rattachant l’histoire de la Vienne et du Poitou.
La tradition rapporte qu’après la fameuse bataille de Poitiers, en 732, les Arabes ou Sarrasins, fuyant en désordre et par bandes, vinrent camper en territoire de Moulins (Deux-Sèvres) sur la hauteur très boisée dite Touche-Noiron. Ils avaient sans doute suivi la grande voie romaine Poitiers-Nantes passant près du balnéaire de la station gallo-romaine de la Barbinière, située à peu près à 300 mètres en contrebas. Ils se désaltéraient en bas du coteau à une source appelée depuis Fontaine-Sarrasine, près de L’Ouin, ruisseau qui coule de Châtillon-sur-Sèvres vers Moulins.
Les parages accidentés, sillonnés de nombreux souterrains, leur permirent de se cantonner en ces lieux et de s’y cacher le jour pour échapper à leurs ennemis ; ils ne sortaient de leurs cachettes que la nuit pour voler ou marauder. Une autre tradition locale veut que cette vie dans l’obscurité des souterrains, pendant un temps très long, les fit devenir si petits, à force de rester accroupis, qu’on les comparait à des nains ; et les gens du pays en étaient terrorisés, parce que les superstitions s’en mêlant, ils finirent par croire que c’était le diable qui les avait transportés par ici, d’autant plus que chaque nuit, paraît-il, dans les fameuses roches de Pyraume », il y avait des rendez-vous mystérieux avec danses et feux follets.
Ce n’est pas ici le lieu de faire la renommée des superbes roches de quartz blanc entassées au sommet du coteau assez élevé, le Pyraume, qui domine le bourg de Moulins et qui fait presque face à la Touche-Noiron, dont il n’est séparé que par l’étroite vallée traversée par le ruisseau l’Ouin.
Mais il est certain, que ce massif, d’où l’on a vue et sortie sur le long bois de la Blandinière et sur les coteaux d’alentour, semblait plus propice au ralliement nocturne de toute la « gent » diabolique de la contrée que les légendes populaires nommaient des «farfadets ». Les roches ou « chirons » de Pyraume ont une structure tellement bizarre qu’on montre encore avec effroi aux enfants la cheminée du diable, sa table, son fauteuil, son lit gigantesque et une ouverture par où il happait tout imprudent qui s’y aventurait.
Les gens de la contrée avaient peur de ces êtres fantastiques qu ils n’apercevaient que la nuit et leur reprochaient les rapines audacieuses commises aux alentours par les Sarrasins. Pourtant, aucun homme n’osait aller contrôler leurs refuges et leurs méfaits t alors, les femmes et les jeunes filles, traitant de lâche le sexe masculin, résolurent d’organiser pour chasser définitivement le diable, une procession « sans parler », procédé qu’elles assuraient infaillible vu le grand sacrifice à faire.
Etait-il réalisable? Tout alla bien jusqu’à l’arrivée. Hélas I la première femme qui aperçut les rochers de « Pyraume » crut voir aussi la silhouette du diable et prise de frayeur, elle s’écria : « Le Voilà ! le Voilà !»
Aussitôt elle tomba morte, et ce fut la débandade, elle fut emportée sans doute par le diable car jamais on ne retrouva son corps.L’histoire ne dit pas si la procession, inefficace cette première fois, fut recommencée. Mais on sait que la race des nains ou des farfadets n’a pas laissé de trace depuis un temps … déjà très lointain.
Source: Extraits de "Bulletins de la Société des antiquaires de l’Ouest" – 1936 – Site Gallica
Ce texte est extrait d'un article des "Mémoires-Société historique et scientifique des Deux-Sèvres (1907/A3, page 241) - Article intitulé: Trois jolis sites naturels du nord des Deux-Sèvres et leurs légendes. par Narcisse Gabillaud (ancien maire et instituteur de Moulins)
Dans les légendes populaires, les rochers ou « chirons » de Pyraume servent de refuge à toute la gent diabolique de la contrée loups-garous, lutins, farfadets.
Les enfants se montrent avec effroi la cheminée du diable, sa table, son fauteuil et son lit gigantesque.
Malheur aux imprudents qui, osent regarder par les fissures et sonder les mystères de l'antre infernal !
Afin d'en chasser le démon, femmes et jeunes filles de Moulins organisèrent jadis une procession « sans parler », procédé infaillible, parait-il, s'il était réalisable.
La première femme qui arriva à Pyraume crut voir la silhouette du diable. Prise de frayeur, elle s'écria : « Le voilà ! le voilà ! ».
Aussitôt elle fut saisie, emportée, et jamais plus on ne la revit.(D'après le récit de la mère PICARD).
Ces vilains petits bonshommes, étaient des maraudeurs incorrigibles et de francs polissons.
A la nuit tombante, ils montaient souvent sur la maison voisine de Nérette(1), dont la toiture se trouve presque au niveau du sol. Perchés sur le tuyau de la cheminée, ils laissaient tomber dans la poêle des flocons de suie et autres incongruités. Ils se plaisaient à taquiner la fermière, à lui voler ses pommes. En son absence, ils s'installaient au coin du foyer, sur les sièges les plus bas, qu'ils ne quittaient jamais sans les avoir souillés.
Fatiguée de leur sans-gêne et de leurs déprédations, la fermière rangea un jour, tout autour de la cheminée, des trépieds chauffés à blanc, des « marmottes »(2) pleines de braise, recouvertes de barreaux de fer rougis au feu.
Les farfadets, sans défiance, s'assirent sur les sièges mis à leur portée, mais ils se redressèrent bien vite, hurlant de douleur, et criant dans leur fuite « C... brûlé !c... brûlé ».
(1)Nérette se trouve entre La Pommeraie et Le Lineau sur le chemin du Temple
(2) Chaufferettes en terre cuite
(Mémoires-Société historique et scientifique des Deux-Sèvres - Gallica)
Un poète local, M. Célestin Normandin, a consacré aux farfadets de Pyraume les vers suivants :
Dans les Avents, par les nuits sombres,
A Pyraume on entend souvent,
Des cris plaintifs ; l'on voit des ombres
Errer lorsque mugit le vent.
Puis, quand vient l'heure solennelle,
Pendant la messe de minuit,
Un farfadet fait sentinelle
Et disparaît quand le jour luit.
Il garde, nous dit la légende,
De l'or dans ce maigre pâtis,
Et cet or, il faut qu'il le vende
Pour quelques « parts de Paradis ».
(Bulletin de l'Académie de Muses Santones, année 1889, no 137).